Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.


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Extraits d'un article paru dans Le Monde du 31 juillet 2002 :

"...Sans doute l'histoire est-elle un peu exagérée. Mais elle en dit long sur un mouvement qui a profondément marqué le monde de la photo de mode et, au-delà, une certaine photographie contemporaine. Nous sommes en 1990, à Londres. Une jeune mannequin inconnue et maigre présente son corps maladroit à l'objectif de Corinne Day, photographe anglaise, également inconnue, pour le magazine The Face. Kate Moss court nue sur une plage. Et puis pose, en clignant des yeux, à cause du soleil, devant un mur lumineux. Elle rit. Une adolescente sort de l'enfance. Les vêtements ? On ne les remarque pas..."

"...Beaucoup a été dit sur les raisons qui ont poussé la mode et l'art à s'unir. Les années 1990 ont été dominées par une crise économique qui a appelé des images plus proches du quotidien. Des magazines de tendance, prônant une culture alternative et urbaine, ont fleuri dans les pays industrialisés, parlant plus des modes de vie que de mode – sexualité, environnement, urbanisme. Des photographes ont offert une imagerie crue, rompant avec "les années fric". De son côté, l'art contemporain plongeait dans la mode de la photographie et se laissait séduire par une esthétique du quotidien dont Nan Goldin est devenue l'emblème. Un dernier argument a joué, énoncé par Eric Troncy, responsable du centre d'art Le Consortium, de Dijon : "Le monde de l'art a besoin de l'argent de la mode ; celui de la mode a besoin de la respectabilité de l'art." Il ajoute : "Le résultat est une confusion extrême et pernicieuse. Je vois peu de choses intéressantes..."

"A partir du moment où l'art abandonne la fiction pour la réalité, et que la mode prend ses distances avec les vêtements pour glisser vers le style de vie, il était prévisible que les esthétiques fusionnent. Au détriment de qui ? De l'art, qui devient "la simple scène du spectacle", répond Olivier Zahm, responsable de la revue Purple. Au-delà, un constat répète un phénomène ancien, douloureux pour nombre de photographes exposés : les images de commande sont souvent plus intéressantes que les autres. Revenons à Corinne Day. Sa série avec Kate Moss restera dans les esprits, mais non sa pénible chronique de paumés, dont le "réalisme sale" est devenu un poncif de l'art, clone parmi d'autres, à la remorque de Nan Goldin. Des petits Goldin, il y en a un paquet..."