Une ville reconstruite par le rêve (extraits)
(...) ce qui rend Balzac littéralement fou, c'est cette question qui est la torture de tous les provinciaux, particulièrement les snobs et les arrivistes, obsédés par l'alchimie sociale : qu'est-ce que la bonne société parisienne ? Où se trouve-t-elle ? Comment s'y comporter pour y être accepté ? Comment s'habiller pour lui plaire ? (...) Balzac, quand il est pris dans les filets du "monde", quand il se débat dans les sables mouvants de la bonne société du Faubourg Saint-Germain, a des airs de Spartacus dans l'arène. Des efforts insensés pour être dans le ton, dans le coup, qui ne lui rapportent que des moqueries, des haussements d'épaules et des ricanements. Il faut dire que Balzac, moins subtil que Proust sur ce sujet, croit réellement à l'existence d'une "bonne société", une société idéale où le talent, la beauté, les privilèges de l'argent, du nom et du coeur seraient harmonieusement associés. Proust, lui, n'a pas mis longtemps à être dégrisé de ses rêves d'aristocratie. On connaît sa conclusion : si on ne veut pas être déçu par les personnages qui portent des noms illustres et par les lieux prestigieux, il vaut mieux se contenter de feuilleter l'almanach du Gotha et l'indicateur des chemins de fer.
Jean-Marie Rouart, de l'Académie Française, in Le Figaro Littéraire du jeudi 8 août 2002.
Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.