Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.
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2/06/2003
J'ai fait sensiblement le même rêve que Jean-Yes.
Le Malin céde la place à Lunatic Asylum et Lenny Dee, qui rythment une soirée surpeuplée, au fin fond d’un club glauque que je ne reconnais pas. Tout le monde a l’air ahuri, je sais pas si c’est du GHB ou quelque chose de plus courant, mais on ne croise que des RP lookées eighties aux yeux exorbités, luisantes de sueur, des designers trébuchant sur les marches, assommés par le mauvais alcool et le tonnerre hardcore ambiant ; aucun moyen de s’entendre parler, les lèvres remuent de tous côtés mais absolument personne ne peut se comprendre – à supposer que quelqu’un ait voulu. La smoke-machine est manifestement déréglée, elle n’arrête plus d’envoyer son fumigène puant. Le strobo nique les yeux.
En fait, hormis l’air hagard généralisé, toute la petite population de ce club semble trouver ça normal. De temps en temps, quelques groupes se forment autour de telle ou telle minicône hype, mais se dispersent presqu’aussitôt. Mais petit à petit, l’atmosphère devient irrespirable, les lumières trop brillantes, et les clients de plus en plus hostiles. Bousculade. Certains des pantins en sueur sont soudain ceinturés et attachés aux murs du club, pendant qu’une foule indistincte se rassemble devant leurs victimes baillonnées. Comme dans tout rêve, Je pige naturellement ce qui se passe, et je mate sans ressentir quoi que ce soit, sinon une surprise amusée, et un peu inquiète.
Un jeu. Une sorte de jeu de fléchettes géant organisé sur cibles vivantes.
Le but du jeu est de défigurer le plus rapidement possible toute une brochette d'écrivains jeunebeauzébranchés, de Nicolas Rey à Charles Pépin, en passant par toute une tapée de web-bavasseurs aux prétentions littéraires plus que foireuses, dont les noms ne me reviennent plus maintenant, mais dont les visages, autrefois savamment maquillés pour apparaître dans tous les cocktails, sont tordus de douleur et ensanglantés à mesure que les fléchettes imprégnées de curare leur perforent la peau. Quelques chroniqueurs télé pendent crucifiés au-dessus des rampes de spots. Un organisateur de soirées hype chevènementiste est énucléé au touilleur. Jean-Croc est fouetté jusqu'à n'être plus qu'une plaie, par un colosse androgyne entièrement vêtu de cuir et de métal ; on retrouve un sourcil en circonflexe ensanglanté dans le gin-tonic d'Ariel Wizman, lequel ne peut plus rien boire de toutes façons, tant le curare lui provoque de vomissement en jets. D'innombrables pétasses sont écrasées sous les enceintes, pendant que les tympans de leurs mâles explosent sous la pression des décibels. Les cadavres de quelques lofteurs ne forment déjà plus qu’un humus rougeâtre sur la piste de danse, où les rejoignent les corps désarticulés des Guetta et de Pedro Winter, piétinés sauvagement par une horde de teufeurs à piercing, Quelques Casseurs hilares comptent les points, Franck Knight prend des photos ; le son surpuissant martèle un rythme martial apocalyptique, et seuls trois énormes strobos éclairent le club par flashs démentiels. Quelques clochards (vraisemblablement ceux du rêve de Jean-Yes), affamés, surgissent de la foule compacte de clubbers hypnotisés, et ils se ruent sauvagement sur trois ou quatre frêles silhouette -, je reconnais celles d'Eudeline et de Dahan. En gros, la soirée vire au cannibalisme dantesque sous les yeux révulsés de Nassif, paniqué de ne plus trouver de réponse à l'emballement général dans un livre de Maffesoli amené pour l’occasion. De toutes façons, c’est pousser le dionysiaque un peu loin, là. La fête païenne qui tourne au carnage zombie, aucun gonzo-journaliste ne l’a vu venir, apparemment. La caméra de Taddeï est retrouvée profondément enfoncée dans le rectum d’Ardisson, la totalité des animateurs de Nova est décimée à coups de bouteilles d’Absolut, on aperçoit même la moitié de la tête d’Ivan Smagghe incrustée dans un ampli.
Une sorte de curée Morlocks contre Elois dans un club enfumé et condamné, une scène gore tournée par un Tarantino sous acide avec Abel Ferrara à la lumière et Ted Bundy aux effets spéciaux, un retournement sanglant des anonymes grégaires contre leurs petites idoles médiatiques. Quiconque a ne serait-ce qu'une fois exhibé sa tête dans un magazine, à la télévision ou sur le net se voit décapité et démembré, je sais pas pourquoi.
Je crois même que j’ai vu Jean-Yes siroter une Vodka-pomme près du bar.
Et en plus, je retrouve pas mon ticket de vestiaire. Flippant.
Je me suis réveillé en nage, devant "C'est mon choix".
J'ai tout fait pour me rendormir.