Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.


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Miss Kittin, Johnny, même com(b)a(t).


"Par : Greg Pap1 le 10 juin 2003

Un point de vue anti-rock. Ouais mec.

Passé seize ans, réécouter la même musique que celle qu’a lobotomisé nos parents n’était pas du plus beau ressort. Dix ans après, sous couvert de renouveau electro rock, où le relifting electro fait surtout tapisserie, c’est bel et bien la situation en 02/03. Gavés d’eurodance insipide, les kids, pourtant réputés endurcis, tombent comme des mouches dans le panneau de la rébellion rock, qui n’a aucun sens de nos jours. Comme une redite sans fin, la supposée suprématie artistique du rock n roll, seul genre musical considéré comme un art majeur par les croûtons qui tiennent la (rock) critic, est vécu par d’autres comme la défaite de la culture de l’anonymat chère aux originateurs de la house music.

Le rock est une musique de scène, et sur scène, le rock est la musique la plus spectaculaire de toutes. Les psycho/sociologues ont suffisamment baragouiné sur l’usage de la guitare électrique, summum d’instrument érotique, troublante extension de la bite s’il en est. Puis, comme le maquillage glam rock qui faisait sensation au tournant 70/80, la guitare est lentement passée de mode. Force est de reconnaître que ce qu’on a vécu comme une page définitivement tournée n’était en réalité qu’une parenthèse, au vu du carton des récents shows electro rock.

Ca avait pris quinze ans. D’abord il y eut les tontons punk qui refusaient les solos, et leurs alter egos indépendants au leitmotiv lumineux : ‘kill your idols’. Ce qu’on a donc fait en les envoyant chez les soldeurs de CD. En parallèle, à l’autre bout de la Terre, les premiers électroniciens ont -en réaction à ces mises en scène, qui n’ont jamais eu cela dit l’outrage des funksters- fait leurs disques en se cachant le visage sous des macarons blancs. Un peu comme s’ils avaient pensé ‘No Logo’ de Naomi Klein une décennie avant sa parution. La punkitude poussée à son paroxysme ? La culture de l’anonymat, qui voulait qu’on marchande la musique sans parasitage aucun, était née. Des white labels aux DJs masqués, on faisait le distingo entre la musique et la pose. Ou plutôt entre la pose choisie -par l’artiste- et la pose imposée -pas par la maison de disque, par le genre lui-même, ses attributs identifiés par un public de masse. La nuance est là : si le rock impose des critères stricts d’appartenance (les quelques clichés ci dessus, des milliers en fait selon la chapelle), l’electro et ses multiples variantes n’ont pas de signes extérieurs très apparents. L’esprit de clan y est nettement moins marqué. L’autodérision, un tantinet moins téléguidé.

Ca se traduit comment concrètement ? Tout chef de produit major vous le dira, il est beaucoup plus aisé de vendre des paquets de CD rock n roll que des CD electro, d’ailleurs ils ne conseillent plus à leurs rockers de troquer guitare contre sampler. Pour vendre un CD rock, Limp Bizkit comme The Rapture comme finalement Johnny (tous les trois des mythes du rock actuel, qu’on s’en souvienne), on vous vend de l’attitude. La posture du rocker, du mec en marge quoi, ça parle à tout le monde. Mais en marge de quoi aujourd’hui ? Le business rock est un business d’ustensiles et de préjugés, un business de majors. Et cette fois c’est parti : on va essorer le filon jusqu’à plus soif. Dans six mois, gare aux blousons badgés/cloutés. On les verra dans « Zone Interdite » à la place des régressifs qui chantent « Casimir » au bureau. Parce que c’est la même. Dans ces conditions, se foutre de la gueule de la chansonnerie relève de la schizophrénie. Remarque, schizo c’est keuro.

Mais de ça, franco, d’aucuns s’en contrefout. Ce qui peut rendre à juste titre dépressif, c’est que la plupart des mecs qui font du son à Paris ne sont plus entreprenants. Ils savent plus vendre ne serait ce que 2000 disques à l’autre bout du monde. Ils savent plus se construire une notoriété à cinq mille kilomètres. Un peu comme la Nouvelle Vague a débouché sur une kyrielle de tragédies rue des Ecoles absolument inexportables, un désastre rapport au potentiel, les resucées rock n roll actuelles ne donneront ni starlette, ni trompette. Les louangeurs de la generation electro rock (rappelons à cette distance du debut du texte qu'en France, il n'y a pas de presse spécialisée musique en tant que telle, il y a juste une presse rock travestie en presse electro, hip hop, rnb // essayez de kiffer missy elliott quand vous etes un fan absolu de morrisssey, c'est l'experience limite que vivent une grande majorité de 'journalistes' musicaux), les louangeurs donc (critiques de quoi au fait ?) avaient tout capté à la generation french touch, une sorte de revanche sur le monde. La page est tournée. Et dans six mois, il restera quoi du rock n roll cinema ? Tout juste des riffs en boucle jusqu’à l’écœurement.

L’enjeu ne demande pas vraiment de prendre partie. Pourtant. On se situe en musique comme on se situe en général. L’inclination artistique, même artistico-industrielle, n’est qu’une manifestation du libre arbitre résiduel. A cet égard, la sequel rock n roll apporte des éléments de réponse concluants. Le libre arbitre ne fait plus kiffer grand monde. S’aventurer à chercher SA musique est un poil trop anti conformiste de nos jours. Les gens sont en demande d’évi-danses (pour paraphraser S.B.). Quitte à terminer sur une généralité : on s’englue."

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