Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.


Archives

"L'homme fait dans la métropole l'épreuve de sa condition négative, purement. La finitude, la solitude et l'exposition, qui sont les trois coordonnées fondamentales de cette condition, tissent le décor de l'existence de chacun au sein de la grande ville. Non pas le décor fixe, mais le décor mouvant, le décor combinatoire de la grande ville, pour quoi tout le monde endure la puanteur glacée de ses non-lieux.

Le branché métropolitain forme ici, dans son intensité non moins que dans l'extension numérique de ses légions, un type assez remarquable du Bloom : sa fraction impérialiste. Le branché est le Bloom qui se propose au monde comme forme de vie tenable, et pour cela se contraint à une stricte discipline de mensonge. Consommateur final de l'existence, frappé d'une incrédulité définitive à l'égard des hommes non moins que du langage, le branché vit dans l'horizon d'une intérminable expérimentation sur soi-même. Il a circonscrit le volume de son être et décidé de n'en jamais sortir, si ce n'est pour assurer la promotion de sa stérilité. Ainsi, il a remplacé le vide de l'expérience par l'expérience du vide, en attendant l'aventure pour laquelle il se tient toujours prêt mais qui ne vient jamais : tous les scénarios possibles ont déjà été écrits. D'extase en déception, la foule solitaire des branchés toujours-déjà disparus, toujours déjà oubliés, poursuit sa dérive comme un radeau de suicidaires, perdue dans un océan dépressioniste d'images et d'abstractions. Elle n'a rien à transmettre, rien que les formules convenues de jouissances manquées et une vie sans objet dans un néant meublé.

La métropole apparaît en outre comme la patrie d'élection de la rivalité mimétique, la célébration désolée mais continuelle du "fétichisme de la petite différence". ON y joue à l'année la tragi-comédie de la séparation : plus les hommes sont isolés, plus ils se ressemblent, plus ils se ressemblent, plus ils se détestent, plus ils se détestent plus ils s'isolent. Et là où les hommes ne peuvent plus se reconnaître les uns les autres comme participant à l'édification d'un monde commun, c'est une réaction en chaîne, une fission collective que tout vient encore catalyser." Tiqqun.