Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.


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"Naguère, on m’a reproché l’usage des stupéfiants. Je n’y cherchais rien d’autre qu’une libération de l’inconscient. Il advint qu’en même temps, j’y trouvais du plaisir. Et quel ! Deux raisons au lieu d’une de ne pas entendre mes censeurs. Je voulus, dans ce domaine, comme dans les autres, épuiser tous le cycle : éther, opium, haschich, morphine, cocaïne, héroïne me procurèrent tour à tour et parfois simultanément leurs mortelles délices. Cela dura plusieurs années. Réduit peu à peu à la plus complète solitude, je n’étais pas sans suivre à la trace les changements qu’opéraient en moi ces drogues dont les effets contradictoires s’annihilaient l’un par l’autre, m’obligeant à ne cesser pas d’y recourir, tout en devant en augmenter les doses. Rien de cela ne m’inquiétait : la mort ne m’effrayait nullement et, n’ayant jamais été ambitieux, la stérilité m’importait peu que j’étais bien forcé de constater. Quant à l’impuissance physique, en ce milieu d’eunuques et de tribades, elle ne me souciait pas. Ce qui me décida, malgré leurs attraits fabuleux à me séparer de ces poisons : qu’ils m’asservissent à leur noir empire. Entre tous, j’avais dès le début discerné la précellence de l’opium, aussi ne le supprimai-je point avec les autres. DE surcroît, je lui devais ou supposais lui devoir tant d’heures exquises, en compagnie d’amis non moins exquis, que divorcer ainsi eût frisé l’ingratitude. Cependant, après maintes tentatives, j’y parvins. Au bout de quelques mois, délivré absolument de ses miasmes, je compris combien je m’exagérais, en l’embellissant, son pouvoir, ou du moins il n’était pas tel que je le croyais. C’est ainsi qu’il paraît des qualités les plus rares d’aucuns dont flagrante était la médiocrité et desquels je pus me demander comment je les supportais et que je fus, par la suite, incapable de revoir. Ce « trompe-l’œil », si je puis m’exprimer de la sorte, dénonçait la vraie nature de la drogue : là résidait son esclavage bien plus que dans la contrainte qu’elle impose de prendre à heure fixe. Néanmoins, je ne regrettais pas d’avoir poussé cette porte ni scruté trop avant ces ténèbres : tout n’était pas perdu, loin de là. Les plaisirs nouveaux subsistaient et l’horizon entrevu, et les parfums étrangers que j’avais respirés. Au point qu’il m’arrive, certains soirs de déconfort, de me pencher sur ce trouble passé avec un immense désir de remettre mes pas dans mes pas…" (PDM)