Dans l’anarchisme il se produit non seulement une auto-négation de l’État humaniste, mais encore une autonégation et destruction du principe de la personnalité; c’est le krach définitif de l’individualisme au faîte de son apparent triomphe. Le principe de la personnalité était étroitement et indissolublement lié au principe de l’État. Dans l’anarchisme triomphe toute cette force aveugle de la masse, ennemie de la personnalité et de l’État. L’esprit anarchique n’est pas un esprit créateur, il porte en soi une hostilité haineuse et vindicative à l’endroit de tout débordement créateur. [...] Il y a en lui une revanche contre le mensonge de l’humanisme. Lorsque les sociétés humaines sont possédées par la soif de l’égalité, c’est alors que prend fin toute espèce de Renaissance, toute surabondance créatrice. Le pathétique de l’égalité est un pathétique d’envie; c’est l’envie de l’être d’autrui et l’impossibilité d’affermir l’être en soi. La passion de l’égalité est une passion du néant. Les sociétés modernes sont possédées par une passion qui consiste à déplacer le centre de gravité de l’existence, en le transférant de ce qui, par affirmation créatrice, est l’être de chacun à une envieuse négation de l’être de l’autre. Tels sont les signes d’une société caduque.
Nicolas Berdiaeff
Creuser le noir corporate et en faire sortir une lumière, une vérité blafarde sur tous ces suckers.